L’Arbre
Le vent du désert quand tu sais l’écouter colporte parfois d’étranges légendes. Les hommes des caravanes savent les entendre le soir avant de trouver le sommeil et parfois osent les raconter.
Il en est une que tant de caravaniers pensent avoir entendu le zéphyr leur souffler qu’ils ne regardent plus ceux qu’ils croisent comme avant.
Quand les dunes bougent et viennent mourir comme des vagues minérales sur les rochers au pied des montagnes elles disent avoir effacé
Les traces d’un homme venu d’une lointaine contrée pour trouver l’oubli éternel dans la solitude car il avait perdu tous les siens.
Il s’était enfoncé dans cette immensité désertique comme un marin d’eau douce sur l’océan.
Il ne marchait plus qu’aux heures les moins torrides de la journée et alors qu’ayant épuisé presque toutes ses provisions il fixait, hébété, ce qu’il croyait être un mirage : des sommets rocheux surgissant du sable, il buta sur un obstacle qui se révéla être le haut d’un mur de pierres en ruines. Il était au milieu d’une cité abandonnée que le ressac des ergs avait redécouvert pour quelques jours.
A côté du mur se trouvait ce qu’il prit tout d’abord pour un éclat de pierre mais un examen plus attentif le fit plutôt opter pour une bizarre graine dure comme une petite noix. Il se l’appropria et continua sa marche vers le massif montagneux.
On a énormément de mal à évaluer les distances dans cet environnement hostile. La peau brûlée par le soleil il but sa dernière gorgée d’eau bien que les cimes lui paraissaient toujours aussi lointaines et mit la graine dans sa bouche afin de pouvoir saliver.
Alors qu’il titubait, à bout de force, et n’avançait plus que machinalement il s’écroula dans un éboulis de pierres menant vers un étroit passage dans la montagne.
Il usa le peu d’énergie qui lui restait pour atteindre l’ombre salvatrice de la faille puis s’écroula évanoui. Quand il retrouva ses esprits il réussit à se redresser et encore avancer. La faille le mena dans une espèce de canyon creusé entre deux falaises ocres où il découvrit une cavité surmontée d’une tablette rocheuse le protégeant du rayonnement solaire. Sur le sol à l’entrée de ce refuge une pierre plate, qui semblait se trouver toujours à l’ombre, était creusée en son centre un peu comme un bénitier. En touchant le fond de ce creux du dos de sa main il lui parut plus frais que son entourage. Il fit passer la graine dans sa joue, installa une vieille photo de famille toute défraîchie à ses côtés et embrassa avec ses lèvres desséchées le fond du bénitier et s’endormit.
Quand vint l’aube il se sentit mieux. Il avait moins souffert de la froidure de la nuit les rochers de la petite grotte l’ayant protégé et miracle : quelques gouttes de rosée se trouvaient au creux de la pierre plate.
Il posa la graine dans l’ombre humide et lécha le précieux nectar. Il revivait. En regardant autour de lui il vit des traces de petits rongeurs dans le sable ainsi que d’oiseaux et prépara plusieurs pièges.
Il parvint ainsi à survivre.
Et puis un jour un orage éclata… Peu de temps après une tige avec un petit parasol de verdure se fraya un chemin vers le ciel.
Le temps passa et les racines de l’arbuste trouvèrent leur voie vers une mystérieuse source d’humidité. Il devint un étrange arbre avec des aiguilles comme un résineux et puis un jour un fruit bizarre se forma comme un étrange petit pain d’une odeur de farine un peu acidulée.
L’homme mangea le fruit, une sensation de satiété et de plénitude l’envahit, il décida de rester afin de garder l’arbre. il lui parlait, lui racontait la beauté de certains couchers de soleil vu du haut de la montagne, les caravanes qui passaient au loin, les histoires de la mer de sable que lui racontait le vent. Le végétal le remerciait en donnant de plus en plus de fruits et en grandissant, grandissant.
Un petit matin un être égaré par une tempête vint s’échouer au pied des rochers. Le gardien de l’arbre le tira jusqu’à son abri. Il lui donna à boire et un fruit à manger. Le blessé récupéra rapidement et reprit sa route racontant son aventure aux peuplades du désert.
De plus en plus de visiteurs venaient voir le gardien de l’arbre et se nourrissaient avec lui des fruits pains . un d’entre eux ,toujours, n’était jamais cueilli au faîte de l’arbre afin que les oiseaux puissent se nourrir de ses graines.
Peu à peu il y eut moins de conflits entre les tribus car non seulement elles se partageaient le même environnement mais également le même pain.
Le temps encore s’écoula et une femme vint rencontrer le gardien. Elle le quitta le lendemain après avoir partagé les secrets de la nuit avec lui. Ses lèvres gonflées et la lumière qui dansait dans son regard mieux que tout racontait que d’autres choses aussi s’étaient échangées.
Au fur et à mesure que les oiseaux migrateurs dispersaient les graines de l’arbre de plus en plus loin et de plus en plus nombreuses de plus en plus de femmes vinrent de pays de plus en plus lointains . D’abord les brunes méditerranéennes puis les blondes nordiques qui toutes repartaient avec au plus profond de leur ventre la semence du gardien dont le fruit serait un autre gardien pour un arbre lointain qui lui aussi donnerait des fruits pains que se répartiraient les hommes.
Le vieux sage du désert vint regarder de loin une femme quitter le gardien au petit jour et sourit : un jour l’humanité toute entière ayant partagée le même pain ne se ferait plus la guerre.
Les gardiens de l’arbre y veilleraient !!!
Didier