LA NON PRIERE
Ou fantôme de rêve
C’était un de ces soirs entre fin d’été et début d’automne ,un de ces soirs entre brume, terre et mer. J’étais assis sur un rocher quand déchirant la ouate du brouillard
il est apparu sans que je ne l’entende arriver : Un pantalon de velours, une bouffarde jaunissant le bout de ses moustaches poivre et sel. Il a laissé tombé entre deux volutes de fumée : Qu’as-tu à dire ? Levant lentement mes yeux vers lui j’ai répondu ״ je n’ai pas envie de dire mais de crier ״ :
Par le jeune enfant meurtri dans sa chair
Avant que son prédateur ne le fasse taire,
Et par l’innocent que personne ne défend
De peur de déranger la quiétude des Puissants,
Par le viol et l’injustice et la lâcheté et le sang :
Je ne vous salue pas, Marie !
Par les gosses aux jambes maigres et au gros ventre,
Par les jeunes qui travaillent et n’ont pas d’âtre
Et sont humiliés de ne pouvoir s’émanciper,
Par la fille vendant sa vertu à un étranger
Pour que sa famille puisse enfin manger :
Je ne vous salue pas ,Marie !
Par le malade que l’on s’acharne à faire vivre
Alors que d’impuissance et de douleur ivre
Il n’aspire qu’à partir et dignement mourir,
Par les parents d’enfant drogué éperdus
Que leur gosse en manque ne reconnaît plus :
Je ne vous salue pas, Marie !
Par le droit d’ingérence baptisé ״ humanitaire״
Qui en fait ne sert que le monde des affaires,
Par les ethnies qu’on laisse crever et qu’on assassine
Car elles n’ont plus rien à donner à la finance mesquine,
Par les forêts que les hommes avides déracinent :
Je ne vous salue pas, Marie !
Mais par tes bras enlacés autour de mon corps
Pour faire rempart aux malheurs du dehors,
Par toutes les fois où je n’ai pas su t’aimer
Aussi profondément que tu devais le mériter,
Par tout ce que je te demande de me pardonner :
Je te salue, Ma Mie !
En posant sa main sur mon épaule
il lâcha : ״ crie, petit ! ״ J’ai croisé son regard, dans ses yeux derrière le voile de la tristesse brillait la flamme de la colère, il a serré mon épaule et s’est estompé dans la brume.
C’est pour ça que je suis devant vous et précise que ce texte est libre de droits pour ceux qui veulent soulager la misère d’autrui et non pour ceux qui n’y voient qu’un moyen de se faire du fric !
Pourquoi ? Simplement car je pense que, passé un certain cap, nous avons tous dans un coin de notre âme un fantôme que nous ne voulons pas décevoir .