En ébauchant, enfants, dans nos yeux, le roman
De nous devenus grands, nous ne savions comment
Ses encarts persifleurs, ses incises furieuses
Nous éparpilleraient sur ses marges boueuses.
Notre bouche gourmande, ivre à l’encre des mûres,
Ecrivait sur nos joues. Le sème en ces murmures
N’osait pas s’ébruiter, car, nous le pressentions,
L’écho vicie le son des jeunes locutions.
Mais tes mains, oh, tes mains ! imprimaient dans mes mains
Les lignes de ce livre où tous les lendemains
Sont hélas trop écrits, sans quelqu’une espérance
Que, l’enfance défaite, encore on se fiance.
Que souvent, gracieuse, au bord de la paupière,
Il me vient brusquement une goutte de pierre
A l’estampe de toi, dormant, calme, en mon bois,
Duveteuse et précieuse à mes bras chauds et cois.
Quand ta vision lustrale inondait mon œil, claire,
Un dieu félon filait son missel délétère.
Naïve à l’homélie que son messie te dit,
Tu te perdis fortuite en son noir paradis.
Si tu lis au pays où tu vis aujourd’hui
Cette strophe alourdie de l’ennui qui me suit,
Te rappelleras-tu combien nous nous aimâmes
Jusqu’à l’heure où tu chus à ces psaumes infâmes ?
Extrait de L'éloge de l'opaque ellipse, publié à Maurice en avril 2006