L’oubliée
Elle aurait tant de choses à raconter,
Elle aurait tant de choses à partager,
Elle aurait tant de choses à donner,
Mais il n’y a plus personne à ses côtés.
La vie ne peut plus lui donner d’âge.
Les sillons sur son visage
Ressemblent pareil
A l’écorce de l’arbre.
Tout est inscrit sur cette peau.
On pourrait y lire les joies et les peurs
Et tous les autres sentiments
Qui viennent du cœur.
Mais personne ne sait
Car on l’a oubliée.
Alors, elle continue
De marcher du fauteuil à la télé.
Elle arrive encore
A voir un peu de monde.
Le facteur qui sonne trois fois
Pour qu’elle lui réponde.
Il y a aussi les voisins
Qui lui demandent tous les jours
Si ça va bien.
De brèves rencontres
Qui durent l’instant d’un soupir.
Mais ce n’est pas assez
Pour lui faire plaisir.
Mais elle comprend.
Elle comprend qu’elle est née
D’un autre monde
A présent.
Alors, une fois rentrée,
Elle marchera
Du fauteuil à la télé.
Quelquefois, elle regarde par la fenêtre,
Mais de voir ces gens courir,
Cela lui tourne la tête.
Elle ne comprend pas
Ce qui les rend aussi bêtes.
L’après-midi, elle aime boire du thé.
Elle fait la conversation à son mari,
En photo, sur la table posée.
Et puis un jour,
Le facteur sonne plus qu’à l’habitude.
Mais elle n’entends pas
Cette sonnette qui hurle.
Alors on s’inquiète de son absence.
Un voisin tape plus fort
Et les gens affluent en abondance.
Et lorsque la porte cède au sort,
On découvre cette petite mamie
Endormie pour l’éternité
Sur son fauteuil, devant la télé.
Elle aurait tant souhaité
Qu’on parle avec elle,
Juste un peu plus
Que de demander des nouvelles.
Cela fait longtemps maintenant
Qu’elle s’en est allée,
Et dans le quartier,
Personne ne l’a plus oubliée.
(texte protégé)