EMMA
Vingt-cinq avril,
Je suis morte ce matin, morte de chagrin, morte de bonheur, morte de lassitude peut-être… morte apaisée, soulagée de quitter cette longue vie qui n’en finissait pas.
Les jardins étaient en fleurs, mais je ne les voyais pas,
Les oiseaux devaient chanter le matin, sans que je puisse les entendre, le soleil que j’aimais tant quand il se posait sur ma peau ne me réchauffait plus. Mais peut-être était-ce l’hiver ? Je ne savais plus…
De temps à autres quelques odeurs me parvenaient, furtives, trop furtives sans doute pour me permettre de les apprécier… Pourtant il n’y a pas si longtemps j’adorais le parfum des roses, quand sous la rosée du matin elles laissaient échapper quelques larmes…
Je vivais blottie au fond d’un gouffre noir que des éclairs faisaient vivre… éclairs de souvenirs, de bonheur, éclairs de rires, de pleurs, de douleur parfois. Comme les orages d’été ils disparaissaient le temps d’un soupir, et tout redevenait noir.
Et tu étais là près de moi, je devinais ta présence sans pouvoir te le dire. Était-ce le jour, la nuit ? Tu devais me parler puisque quelques bribes de ta voix me parvenaient, cette voix douce comme les bonbons que tu glissais en cachette dans mon cartable avant le départ pour l’école …Le silence revenait me hanter mais tu étais encore là , ton parfum ne faisait que passer , jamais je n’ai pu le saisir, et le retenir assez pour revenir et te dire combien je t’aime . Les infirmières entraient, leurs pas feutrés s’éloignaient . Comme j’aurais voulu m’y accrocher !
Je ne savais plus compter, je ne connaissais ni les heures, ni les jours , j'étais abandonnée quelque part sur la route du néant .Combien de temps étais-je restée ainsi , des mois, des années …
Je suis morte …morte heureuse de retrouver la liberté …
Tu es là qui me tiens la main, et tu pleures Maman…non il ne faut pas…
Et tous ces cheveux blancs , pourtant tu étais si jeune le jour de mes 16 ans quand tout a basculé dans notre vie ...
(Marie.L.B.)