Le mot
- Dis, qui es-tu ?
- Je suis un mot !
- Un mot ? Mais ce n'est pas possible ! On peut être un ver de terre, le ciel, une fleur, le vent ou une petite cuillère, que sais-je encore mais pas un simple mot.
- Eh bien si tu vois. Il faut juste savoir me faire naître, me lire et c'est tout.
- Ah bon ! Je trouve cela bizarre mais si tu y tiens, je te considérerais comme un mot. Mais tu es un mot comment ?
- En fait, je suis toi. Je suis un mot triste si tu écries des mots tristes, un mot gai si tu écries des phrases joyeuses. Je peux même être un mot doux si tu es amoureux.
- C'est trés bizarre tout ceci. Mais bon ! Pourquoi pas. Donc tu es comme une sorte de caméléon. Et où vis-tu ?
- D'abord, la plupart du temps, je nais d'un stylo ou d'une plume. Avec les enfants, c'est plus rigolo. Avec eux, je peux naître de peinture, de craie ou de feutres. C'est marrant parce qu'on s'en met partout parfois pour ne rien dire. Mais ils sont trop petits pour savoir que je suis là. En tout cas, naître avec eux, cela m'amuse beaucoup.
- D'accord, d'accord ! Dis, t'a pensé à consulter un psy ?
- Oui, je susi déjà allé en voir un mais j'ai vite arrêté. Il me faisait écrire des choses savantes avec des expressions que je ne comprenais même pas. J'avais toujours mal à la tête alors j'ai arrêté mais d'autres de mes amis sont restés avec lui.
- Parce que vous êtes plusieurs comme ça ! Tu vas dire que je suis terre à terre mais si tu dis que tu existes en tant que mot à part entière, de quoi te nourris-tu ?
- Je n'ai pas besoin de grand chose. Il faut que quelqu'un m'écrive et ensuite je me nourris de ses émotions, de son imaginaire ou bien, pour être plus terre à terre comme tu dis, je peux me nourrir de choses pratiques comme un liste de courses ou des rendez-vous à ne pas manquer. Mais tu sais, pour beaucoup de personnes, je ne suis rien. Elles ne me voient même plus à force. Je veux dire en tant que moi, le mot. Et puis avec la technologie moderne, plus personne ne fait attention. Il leur suffit juste d'appuyer sur des touches. Avant avec les vieilles plumes et les encriers, on prenait des précautions à me faire naître joli, avec de beaux arrondis et de belles boucles. On m'essuyait même avec du papier buvard pour ne pas que je coule et pour que mes formes restent agréables à lire. Je me souviens encore de sa douceur. Tiens ! Il n'y a pas si longtemps, quand les encriers ont disparu et qu'ils furent remplacés par des stylos encre, on faisait encore un peu attention à moi. Aujourd'hui, c'est fini tout ça. Chaque chose fait son temps. j'existerais toujours mais plus de la même manière.
- Tu as l'air bien triste. Si tu veux, je peux être ton ami et j'écrirais avec une jolie plume comme avant. Je te ferai dire des choses belles, tellement belles que tous les gens qui te liront ne pourront plus t'oublier. Je ferai naître autant de mots que mes émotions auront besoin. J'irai par de là mon âme pour me frayer un passage jusqu'à l'insondable de mon cerveau fécond. Tu veux bien, dis ?
- J'en serai ravi et trés honoré mais ne me fais pas écrire des phrases compliquées comme celle-là ! On dirait mon psy ! Le bonheur est merveilleux dans sa plus simple expression.
- Au fait, comment je te reconnaîtrais ?
- Je viendrais avec mille autres mots. Notre maison sera ce que tu veux. Tu pourras me créer sur du joli papier ou sur tout ce que tu trouveras quand ton émotion aura besoin de moi. Tu ne pourras me reconnaître personnellement au milieu des autres mais je serai là, quelque part. Je serai unique mais aussi mille à la fois. Je te laisse et à bientôt sur une autre page.
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